CONTRIBUTION
DE MONTESQUIEU À UNE DÉFINITION DE L' ESPRIT EUROPÉEN
Montesquieu et l'européanisme pacifique
Montesquieu
et ses Réflexions sur la monarchie universelle en Europe
Comme
Leibniz, Montesquieu adopte une attitude plutôt sceptique devant
l'optimisme juridique de l'abbé de Saint-Pierre. Il développe
une position plus consciente des intérêts divergents des politiques
européennes. Il semble en fait que Montesquieu ait eu une intelligence
plus vive des caractères divers de l'Europe, complémentaires
ou antagonistes, en tout cas pour l'heure non conciliés, que
ne l'avait le reste du mouvement européaniste. S'il adhère au
souci de construire la paix en raison et en droit, il manifeste
à l'égard du jeu diplomatique qu'entretiennent les puissances
européennes une conception réaliste des relations internationales,
qui reste fondée sur la théorie de l'Equilibre. L'une de ses
pensées consacre cette divergence de point de vue, qui fait
la part entre l'idéalisme iréniste du bon abbé et la lucidité
d'un réalisme politique. Montesquieu s'attache davantage à ce
qui relève du vraisemblable, laissant la catégorie logique du
possible aux idéalistes. Dans ses Cahiers on peut lire :
L'abbé
de Saint-Pierre a dit : " il faut choisir d'honnêtes gens
", comme on dit lorsqu'on enrôle : " Il faut prendre un
homme de cinq pieds, six pouces. " Pensée
1718.
Toutefois il est clair qu'il reste admirateur du travail effectué
par l'aumônier de Madame, dans l'espoir que la postérité prenne
en compte et réfléchisse sur les ouvrages de l'abbé, et les
siens. Montesquieu a compris que l'histoire est le lieu des
changements et qu'il est raisonnable de penser que le projet
de paix, si irréalisable qu'il soit pour l'heure, peut rendre
compte des réalités de demain.
J'ai
pris le parti de me faire le sectateur de l'excellent homme
l'abbé de Saint-Pierre, qui a tant écrit de nos jours sur
la politique, et de me mettre dans l'esprit que, dans sept
ou huit cents ans d'ici, il viendra quelque peuple à qui
mes idées seront très utiles, et dans la petite portion
que j'ai à vivre, de faire pour mon usage un emploi actuel
de ma modestie. Pensée 1940.
Les
relations extérieures tiennent une large place dans les occupations
de Montesquieu. Il suit de près la politique étrangère de l'Espagne,
ainsi que les relations du " triumvirat " France / Angleterre
/ Autriche, qui , dans les décades 1680 - 1750, domine la scène
européenne. Maintes réflexions recueillies dans ses Pensées
ou dans le Spicilège le montrent attentif à la bonne
application des traités et aux règlements juridiques des conflits
européens. Il porte un jugement contrasté sur la façon dont
les puissances belligérantes ont réglé leur sort dans les clauses
des traités d'Utrecht. Il réagit en spécialiste de droit international
:
L'Angleterre
a peu ou point payé de dettes depuis la paix d'Utrecht.
(…). Il est de l'intérêt de la France que les Anglais gardent
Gibraltar ; (…). Projet de Milord Oxford bon, de mettre
les Etats d'Allemagne sur une autre tête. (…). Combien l'Aragon
n'a-t-il pas perdu par la succession à la Castille ? La
Flandre, par la succession à tous les deux ? Ce sont de
nouveaux moyens mis entre les mains des princes pour renverser
ces nouveaux Etats. Pensée 261.
Les Cahiers sont ainsi remplis de la comptabilité des
intérêts de chacune des parties européennes. Montesquieu trace
la carte historique et géopolitique de l'Europe occidentale.
Ici , le sort de l'Italie l'occupe ; là, la Prusse l'intéresse
; là encore, il compte avec la Hollande. Un sujet le préoccupe
en particulier : l'Espagne. Déjà la soixante-dix huitième lettre
des Lettres persanes décrivait le caractère des habitants
de la péninsule de manière ironique. En 1727, Montesquieu achève
ses Considérations sur les richesses de l'Espagne , étude
érudite de la décadence espagnole qui réfléchit à une approche
différente de la puissance politique.(Considérations
sur les richesses de l'Espagne, première publication dans
la " Revue d'histoire littéraire de la France " en 1710, Pléiade,
t. II, p. 16-17.)
Il se documente sur le fragile équilibre d'une puissance financière
qui taxe l'or et l'argent, lève des droits versés au pouvoir
central, sans que la masse monétaire ainsi dégagée soit redistribuée
dans le tissu économique et crée de nouvelles richesses. Avec
les Considérations sur les richesses de l'Espagne, Montesquieu
soulève en même temps les problèmes économiques, politiques
et les problèmes internationaux qui en résultent :
Je
crois que si quelques provinces de Castille par la culture
et le nombre du peuple donnaient au roi d'Espagne une somme
à peu près pareille, sa puissance serait infiniment plus
grande : les tributs seraient l'effet de la richesse du
pays : ces provinces animeraient toutes les autres, elles
seraient toutes ensemble plus en état de soutenir les charges
respectives. Le prince en retirerait toutes choses nécessaires
pour la guerre : des soldats pour la faire, des denrées
utiles, des moyens pour l'exécution de ses desseins, des
secours extraordinaires pour ses besoins. Il y trouverait
des négociants entreprenants, des ouvriers industrieux,
des villes puissantes, un peuple toujours présent pour le
défendre. Il ne faut pas que les richesses du prince lui
viennent immédiatement et par une voie accidentelle : il
faut qu'elles soient l'effet des tributs et les tributs
l'effet de l'aisance des sujets. Cité par
Georges Benrekassa dans Montesquieu, la liberté et l'histoire,
p. 84.
C'est
bien le pouvoir, son organisation et son fonctionnement que
l'on retrouve au centre du travail de Montesquieu.
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Les
Réflexions sur la monarchie universelle en Europe, écrites
entre 1731 et 1733, constituent avec les Considérations sur
les richesses de l'Espagne un examen complet de la situation
historique et politique de l'Europe telle qu'elle se présente
à l'époque où vit Montesquieu. Le projet unificateur de la Rome
impériale n'ayant plus de sens, Montesquieu cherche à comprendre
les lois qui règlent l'équilibre nouveau entre les nations.
Puissance économique, commerce …, voici une compréhension renouvelée
de la mutation historique qui s'est opérée en Europe, des Romains
à la modernité.
C'est, nous dit Robert Shackleton, la lecture de De Monarchia
hispanica de Campanella, où sont traitées les exigences
territoriales de l'Espagne vers 1640, qui incite Montesquieu
à écrire ses Réflexions (Robert
Shackleton, Montesquieu, biographie
critique, p. 116.). On notera
également que le Traité des droits de la Reine très Chrétienne
(1667) de l'avocat Bilain développant les prétentions hégémoniques
de Louis XIV, et sa réfutation par le baron Lisola dans le
Bouclier d'Etat et de justice, appartenaient à la bibliothèque
de Montesquieu, avec La Monarchia universale del ré Luigi
XIV (1689) de Gregorio Leti (Ibid.).
D'autre part, Montesquieu suivait de près les événements d'Espagne,
qui l'ont sans doute poussé à rédiger ses Réflexions
: à la mort de Louis XIV, un conflit s'est engagé contre l'Espagne.
Philippe V revendiquait la régence en 1715 puisqu'il était plus
proche du jeune roi son neveu que ne l'était le régent Philippe
d'Orléans. A la suite d'un complot ourdi par Philippe V d'Espagne
qui échoua, la France déclara la guerre. Ce ne fut qu'en 1729
que les relations furent rétablies. L'actualité politique a
donc aussi contribué à renseigner l'opuscule de Montesquieu
sur la monarchie universelle en Europe.
Paradoxalement,
il ne devait jamais republier ses Réflexions, craignant
que certains endroits concernant la politique de Louis XIV ne
fussent sévèrement critiqués. L'ouvrage servirait cependant
à la construction de L'Esprit des lois, puisque le chapitre
XVI, emprunté à divers passages des Considérations sur les
richesses de l'Espagne a lui-même passé dans L'Esprit
des lois, dont il forme le chapitre XXII du livre XXI. L'opuscule
a aussi fourni le chapitre XIX du livre VIII, les chapitres
VI et VII du livre IV, le chapitre XVII du livre XIII et le
chapitre VI du livre XVII.
Le
chapitre I des Réflexions est, dès l'entrée, un réquisitoire
contre la guerre. L'argumentation se développe autour du droit
des gens qui, nous dit Montesquieu, " a changé " (Réflexions
sur la monarchie universelle en Europe. Le
manuscrit est perdu. Première publication en 1734, puis publication
dans " Deux opuscules ", en 1891. Pléiade t. 2, p. 19.).
La puissance ne dépend plus de l'effort de conquête mais de
l'intérêt qui prévaut à la préservation de la paix pour développer
la puissance économique. De même au chapitre II :
Ce sont le richesses qui font la puissance,
n'y ayant point de nations qui ait des avantages qu'une
plus riche ne puisse presque toujours avoir. Mais ces richesses
variant de même, la puissance change de même. Ibid,
p. 21.
Ce
point de vue nous intéresse dans la mesure où il fait intervenir
l'idée d'un commerce européen interdépendant dont l'épicentre,
mobile et fugitif, se déplace. La priorité donnée au commerce
laisse apparaître la guerre comme un mode de domination dépassé
qui ne répond plus à la gestion des intérêts nationaux. D'une
manière ou d'une autre, de nombreux facteurs, politique, institutionnel,
civil, économique interfèrent et sont prioritaires, qui minorent
les arguments polémiques entre deux pays en conflit.
Le livre XXI de L'Esprit des lois prolonge cette réflexion
: le chapitre V reprend l'idée de l'inconstance du point névralgique
du commerce, dans une vision historique du mouvement économique
qui régit les grands déplacements humains et le flux des richesses.
" L'histoire du commerce est l'histoire de la communication
des peuples " (Livre XXI de L'Esprit des
lois, chap. V, p. 22.). Tout le livre s'attache à
montrer que l' économique parcourt le globe, s'installe, s'agite
ou repose, en contradiction avec " l'esprit de conquête " qu'il
s'agit de fuir car il opprime, détruit, dévaste, et assèche
les richesses. Or l'Europe doit opérer la conciliation de la
liberté et du commerce. Ces considérations sont révélatrices
d'un pragmatisme qui voit dans le négoce non pas un vil motif,
mais un moteur efficace de pacification et d'émulation. En somme,
si l'Europe doit être redevable de sa puissance et de son salut,
nous dirait Montesquieu, c'est à une économie prospère, et certainement
pas aux conflits que se livrent les princes. Plus même : les
flux économiques s'accroissent là où ils rencontrent la paix.
Surprenante intuition en ce début de siècle, que reprendront
en la conceptualisant les économistes anglo-écossais de la seconde
moitié du dix-huitième siècle.
La
découverte d'autres continents a par ailleurs décentré le pôle
marchand, puisqu'elle a ouvert d'autres mers aux pratiques commerciales
et rendu plus dépendantes les métropoles et les colonies.
On lit au chapitre XXI :
La boussole ouvrit, pour ainsi dire,
l'univers. (…). Par la découverte du cap de Bonne-Espérance,
et celles qu'on fit quelque temps après, l'Italie ne fut
plus au centre du monde commerçant ; elle fut, pour ainsi
dire, dans un coin de l'univers et elle y est encore. L
e commerce même du Levant dépend aujourd'hui de celui que
les grandes nations font aux deux Indes, l'Italie ne le
fait plus qu'accessoirement. Ibid, chap.
XXI, p. 58.
Le
commerce exige certaines conditions. Il est indispensable qu'il
ait partie liée avec un gouvernement tempéré et des dispositions
civiles qui le favorisent. Ainsi Montesquieu accorde-t-il une
importance déterminante aux dispositions civiles qui régissent
l'organisation européenne.
On
verra que ce ne sont point les guerres qui depuis quatre
cents ans ont fait en Europe les grands changements ; mais
les mariages, les successions, les traités, les Edits ;
enfin c'est par des dispositions civiles que l'Europe a
changé. Réflexions sur la monarchie universelle
en Europe, pléiade t. 2, chap. III, p. 21
C'est
là sans nul doute un moment capital de l'histoire des idées,
qui voit l'espace européen façonné par les modes de vie, la
variété des passions, les traités et les codes civils, les contrats
privés, et non plus par les volontés hégémoniques des grands
dignitaires européens. C'est la vie des hommes, l'histoire des
populations, qui intéresse Montesquieu.
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Plus
généralement, Montesquieu œuvre pour l'interprétation d'une
Europe décloisonnée et ouverte, même si comme l'écrit Pierre
Chaunu ,
Rien
de fondamental ne survient avant 1730 - 1740 en Angleterre,
avec la révolution des canaux ; 1760 -1770 en France, avec
le pavé du roi. " , et même si ce n'est qu'à partir de 1750
- 1790 qu'on assiste à une réduction de 10 à 20% des distances/temps
sur les grands axes européens. Pierre Chaunu,
La Civilisation de l'Europe des Lumières, champs
flammarion, pp. 36-70.
Montesquieu
est cet homme des Lumières qui prend pour objet une Europe qui
diffuse ses connaissances et qui s'exprime en tant qu'entité
culturelle supérieure.
Il
s'agit cependant d'une Europe " basculée vers le nord " : la
structuration d'une Europe à partir d'une césure entre nations
du nord et nations du midi que l'on trouve si tôt dans les Réflexions
sur la monarchie universelle est, si l'on y pense, tout
à fait explicable. Les Lumières se sont surtout et précocement
exercées en Angleterre, France, Hollande, puis une partie occidentale
de l'Allemagne. On assiste parallèlement à un effacement de
l'Espagne, de l'Italie et du Portugal, et de la méditerranée
en général.
A
cet égard, les voyages de Montesquieu nous renseignent sur les
frontières intellectuelles de l'Europe des Lumières. Hormis
des impressions esthétiques qui lui inspireront son Essai
sur le goût en 1728, il semble qu'il ait très modérément
apprécié son séjour en Italie, et qu'il en ait retenu un sentiment
d'abandon de soi et de nonchalance, critères négatifs qu'il
réserve normalement à la description de l'Orient :
Il
y a depuis vingt ans, dix mille putains, à Venise, de moins
; ce qui ne vient pas d'une réformation dans les mœurs,
mais de l'affreuse diminution des étrangers.
Voyages, éditions Nagel, II, p. 981.
Voir également la pensée 2141 : " Les Vénitiens sont insatiables.
Quand vous allez les voir, vous ne savez pas si vous entrez
par la porte ou par la fenêtre, si vous y faîtes du plaisir
ou de la peine. Là, la débauche s'appelle liberté. "
Londres au contraire le rappelle aux Lumières occidentales,
ce berceau de la liberté où la loi gouverne, et qui s'oppose
à cette liberté dévoyée qu'il a rencontrée dans la ville des
Doges, et que l'on appelle aussi débauche.
Comme lui d'ailleurs, Voltaire, Diderot, Rousseau voyageront
dans la partie nord de l'Europe : la Suisse, Turin , Paris,
l'Angleterre, puis la Prusse de Frédéric, et un peu plus tard
la Russie de la Grande Catherine.
Mais il n'en reste pas moins que c'est bien à une Europe qui
apprend à se connaître par le voyage et le cosmopolitisme philosophique
que nous avons affaire en ce début du dix-huitième siècle. Comme
l'écrit René Pomeau, une " Internationale de l'honnête
homme " s'institue
( L'Europe des Lumières, Paris, Stock, 1991, p. 215-245.),
entretenue par une communauté de scientifiques et d'érudits
qui communiquent et échangent leurs connaissances . C'est l'essor
des Académies. La Franc-Maçonnerie naît elle aussi : partie
d'Ecosse, elle touche Paris puis se propage en Allemagne, Autriche
et pays catholiques (Montesquieu y a été introduit pendant son
séjour en Angleterre, en 1730).
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Au regard d'une Europe qui développe les échanges, Montesquieu
est attentif à la préservation des particularités européennes
; il n'en appelle pas comme l'abbé de Saint-Pierre à un nivellement
par un processus de décision majoritaire entre les souverains.
Il est par ailleurs fondamentalement opposé à une Europe qui
serait construite de manière autoritaire : il est conscient
de la difficulté d'imposer un pouvoir uniformisateur à des peuples
frères, mais distincts par les mœurs, les manières, la religion
et les coutumes.
D'abord,
une paix perpétuelle assurée par une puissance centralisatrice
annonce le danger d'un despotisme et fait craindre le risque
d'une régression. C'est ainsi que du chapitre IX au chapitre
XVIII des Réflexions sur la monarchie universelle en Europe,
Montesquieu énumère les multiples tentatives de monarchie universelle
: les Romains, Charlemagne, les Anglo-Normands, le pape, les
Turcs, la Maison hispano-autrichienne, la France de Louis XIV
s'y sont essayés. Ils ont échoué, suivant le principe selon
lequel une puissance mal équilibrée porte avec elle sa contradiction
; à propos de Charles Quint et de François Ier :
Mais
la France qui coupait partout les Etats de Charles, et qui
étant au milieu de l'Europe, en était le cœur si elle n'en
était pas la tête, fut le centre où se rallièrent tous les
Princes qui voulurent défendre leur Liberté mourante. Réflexions
sur la monarchie universelle en Europe, Pléiade t. 2,
chap. XV, p. 30.
Montesquieu
n'entrevoit pas l'Europe dans une configuration supranationale.
Il y va de la liberté des peuples, et du respect des différences.
" L'étendue médiocre " des Etats n'étant pas respectée, l'immensité
d'un empire vouerait le continent à l'arbitraire d'un souverain
qui serait à lui-même sa propre loi, seul et omnipotent, et
qui ne négligerait rien pour tirer le continent vers le néant,
la négation absolue du sujet et de la liberté.
Ensuite,
soucieux des différences qu'il a pu observer durant ses voyages
et à la manière d'un sociologue, il prend acte de cette franche
coupure entre une antique méditerranée sous la tutelle de l'autorité
papale parfois sensible aux appels de la luxure, et le nord
européen tellement plus résistant à la puissance du catholicisme
romain. Montesquieu a en effet compris qu'il en allait autrement
de cette sphère comprenant le Nord de la France, l'Angleterre,
les Pays-Bas, la Rhénanie, la Suisse : centre de peuplement
manufacturier et commerçant, Europe des cerveaux qui lit, produit,
" Europe vraie des Lumières " (Pierre Chaunu,
op. cit., p. 54.) , elle témoigne, ainsi que le suggère
Emmanuel Todd dans sa thèse L'Invention de l'Europe,
de " l'importance du facteur religieux dans la dissociation
culturelle du continent européen " (Emmanuel
Todd, L'Invention de l'Europe, Paris, Seuil, "L'Histoire
immédiate", 1990, p. 135. Excellente étude sur l'évaluation
des différenciations socio-culturelles en Europe, depuis la
réforme jusqu'à nos jours.).
Enfin, ce que Montesquieu revendique dans ses Réflexions,
c'est une Europe des nations où prévaut la variété sociale et
culturelle. De fait, l'Europe existe déjà pour Montesquieu.
Mais elle est celle qui n'abdique pas ses libertés par délégation.
L'Europe peut se concevoir dans son unité, à condition qu'elle
demeure une réunion d'Etats, une composition : " L'Europe
n'est plus qu'une nation composée de plusieurs "(Réflexions
sur la monarchie universelle, chap. XVIII, p. 34.).
Il s'agit d'une Europe constituée de nuances, de subtils distinguos,
comme une déclinaison progressive de couleurs qui ne pourra
pas se résoudre à la fusion des teintes. Dans ses Pensées
il précise encore :
Je disais : " Je parle des différents peuples d'Europe,
comme des différents peuples de Madagascar.
Pensée 609.( La pensée 1297 est similaire.)
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